Jeûne ou manque de nourriture ?
Quand nous parlons du jeûne à une personne ordinaire et même au médecin moyen, il se représente immédiatement les conséquences terribles qui, pense-t-il, devront résulter inévitablement du fait de passer seulement quelques jours sans nourriture.
Il y a en effet dans l'inconscient collectif une référence évidente au manque de nourriture, liée à une famine qui a été vécue ou bien véhiculée par la presse ou la littérature.
Que ce soit la France de la 2e guerre mondiale, où l'on raconte que l'on mangeait des chats ou des rats à Paris, ou bien la Somalie dans les années 80 (avec Bernard Kouchner portant un sac de riz), ou bien la famine en Chine lors de la révolution culturelle ... les références du dernier siècle ne manquent pas pour justifier que l'on peut mourir de faim !
Cette phobie du jeûne est entretenue par la presse qui, si souvent, relate l'histoire de quelqu'un qui est mort au cours d'un jeûne; invariablement la mort est attribuée à l’inanition.
II n'y a aucune justification à la crainte panique qui règne dans les cercles populaires et professionnels lorsqu'il est question de manquer quelques repas. La crainte de l'inanition exprimée de toutes parts est une peur stupide. « Je ne veux pas mourir de faim », dit M. Tout-le-monde, quand on lui conseille de jeûner. Ils préviennent ceux qui jeûnent qu’ils mourront de faim. Bien que nous nous opposions à laisser les gens jeûner jusqu’à l’inanition, nous ne prenons pas position contre ceux qui se gavent à en mourir; au contraire, nous les encourageons plutôt. Alors qu'on pourrait se demander quelle est la personne qui prend le plus de risques : celle qui Jeûne un jour ou celle qui mange régulièrement de la Junk food ? Si vous lisez ce billet, ou si vous avez vu le film Super Size Me, vous être probablement dans le camp des personnes qui pensent que trop manger est bien plus néfaste que peu manger ou jeûner.
Selon l'opinion populaire, jeûner signifie mourir de faim. Médecins, physiologistes et autres professions médicales emploient habituellement les deux termes jeûne et inanition � indifféremment, en tant que synonymes.
Que se passe-t-il quand on arrête de manger ?
Le médecin non informé s’imagine que le sang et les tissus vitaux ou fonctionnels du corps sont détruits dès que l’on cesse de s'alimenter; que la destruction organique commence immédiatement et que chaque jour de jeûne supplémentaire signifie une destruction plus grande des tissus vitaux. Il y a une sorte de raccourci de "on a besoin de manger pour vivre", à "si je ne mange pas je vais mourir rapidement."
Nous ne sommes pas des ours mais il est aisé de comprendre que si un ours est capable de rester sans manger pendant plusieurs mois et être en parfaite santé au printemps, on doit bien pouvoir rester quelques jours sans manger. De nombreuses expériences et observations ont été faites au cours du dernier siècle à ce sujet.
Le corps stocke en effet des réserves de nourriture suffisantes pour un temps considérable dans le cas de manque de nourriture, ou de maladie, quand la nourriture ne peut pas être digérée. Il se nourrit de cette réserve nutritive et les tissus vitaux du corps se nourrissent des tissus moins essentiels, de sorte que même si l’inanition véritable se produit, les organes vitaux n'en sont pratiquement pas affectés.
Aussi longtemps que durent les réserves nutritives du corps, l’individu qui s'abstient de nourriture est en phase de jeûne. Quand cette réserve a été utilisée à tel point qu’elle n'est plus capable d'entretenir les fonctions de la vie, la prolongation de l'abstinence devient dangereuse; l'inanition commence. C'est seulement une fois que ce point a été atteint qu’un dommage réel est subi par les organes vitaux et leurs fonctions.
Peut-on jeûner plus d'une semaine ?
En règle générale, dans des conditions ambiantes convenables, on peut jeûner des semaines, et même des mois, avant que le point d'inanition ne soit atteint.
Heureusement, nous ne sommes pas sans protection ni avertissement à ce propos. Avant que le point dangereux ne soit atteint, une demande impérieuse de nourriture sera faite. Nous disons, alors, qu'aussi longtemps que le malade n'a pas faim, il jeûne, mais une fois que la faim est revenue, et s’il continue à s’abstenir de nourriture, il meurt de faim.
On peut se demander si c'est facile de reconnaître cette sensation car il s'agit de faire la distinction entre la fin psychologique et la faim physiologique en quelque sorte ?
Pour ma part je n'ai ressenti cette sensation qu'une seule fois lors d'un Jeûne d'une semaine. Il est fort probable que j'avais encore de la réserve. Mais j'ai joué la sureté et j'ai préféré recommencer à manger.
D'après Carrington : « Le jeûne est une méthode scientifique pour débarrasser le système des tissus malades et des matières pathologiques, et il s'accompagne invariablement de résultats bienfaisants. [...] . Alors que l'inanition consomme les tissus sains, amaigrit le corps et épuise la vitalité, le jeûne expulse seulement les matières corrompues et les tissus adipeux inutiles, augmentant ainsi l'énergie, et rendant définitivement à l’organisme cette harmonie que nous appelons la santé ».
Des physiologistes ont essayé de déterminer combien de temps un homme pouvait vivre sans nourriture, en se fondant sur le temps nécessaire aux animaux, particulièrement aux mammifères, pour mourir de faim. Leurs expériences indiquent que cette durée est proportionnelle à la racine
- cubique du poids corporel :
- Une souris pesant 180 grammes meurt après cinq ou six jours sans nourriture. La « période d’inanition » correspondante chez l’homme serait de 15,6 fois plus longue,
- soit de 96,5 à 109 jours.
- Un chien pesant 20 kg meurt en soixante jours; la période correspondante pour l'homme serait
de 89 jours.
- Un lapin pesant 2,422 kg meurt après 26 jours; la période correspondante pour l’homme serait
de 79 jours.
D'après ces chiffres, le Dr A. Putter, un médecin allemand qui a fait une étude sur le jeûne, conclut qu'il n'y a rien dans la physiologie comparative qui puisse démontrer que l’homme ne peut pas vivre de 90 à 100 jours sans nourriture pourvu qu'il soit maintenu dans des conditions convenables de chaleur, repos, air pur, eau et équilibre émotionnel.
Plus on est gros plus on peut jeûner longtemps ?
Le poids est un élément important pour la durée du Jeûne. Mais au delà de la "quantité d'énergie" stockée, il y a également une "qualité des réserves" qui entre en compte, et peut considérablement affecter la durée du Jeûne.
D'un point de vue scientifique, on sait notamment que les protéines stockées dans les muscles sont notamment un facteur limitant. Les minéraux peuvent également influer, c'est pour cela que pour les jeûnes longs, la variante Buchinger avec des bouillons de légumes permet d'apporter des minéraux supplémentaires. Il ne s'agit que de quelques exemples, mais depuis longtemps on a compris que la quantité de graisse n'est pas le plus important.
De manière plus expérimentale, Sylvester Graham estimait que l'homme gras pouvait survivre plus longtemps à l'abstinence de nourriture que le maigre. Il disait : « Si la graisse était destinée à la nutrition du corps pendant des jeûnes prolongés, etc., alors, si on enfermait ensemble un homme très gras, jouissant de ce qui est ordinairement considéré comme une bonne santé, et un homme maigre en bonne santé, et si on les condamnait à mourir de faim, l’homme gras devrait diminuer de poids beaucoup plus lentement, et vivre considérablement plus longtemps que le maigre ; mais en fait,c'est le contraire qui se produit. L'homme maigre perdra du poids beaucoup plus lentement et vivra quelques jours de plus que l'homme qui est gras, en dépit de toute la nutrition que ce dernier peut retirer de ses réserves de graisse ».
Trall adopta un point de vue semblable, ainsi que Carrington, qui commenta ainsi ce qui précède : « Je peux dire que cela a été précisément ma propre expérience ». L’explication offerte est que, tandis que la personne grasse a une grande réserve de graisse dans le corps, elle est par ailleurs déficiente en ce
qui concerne d'autres éléments nutritifs indispensables.
Un jeûne de cent jours ou plus ne peut être enduré, même dans les conditions les plus favorables, que par les individus qui possèdent des réserves nutritives suffisantes pour entretenir leurs organes vitaux et leurs fonctions vitales pendant cette durée. Moins les réserves nutritives sont grandes, toutes les autres conditions étant égales, plus la période d’inanition sera rapidement atteinte.
Le jeûne est nettement bénéfique; l’inanition est nettement néfaste. C’est précisément parce que
le médecin ordinaire ne fait pas de distinction entre ces deux phases majeures de l'abstinence de nourriture, et parce qu'il imagine que la pathologie qui se développe pendant la période d’inanition appartient aussi à la période de jeûne, qu'il présente ses fausses objections au jeûne.
Les organes vitaux ne commencent pas à se détruire aussitôt que le premier repas est manqué. Le jeûne appartient à cette période durant laquelle il y a d'amples réserves nutritives pour maintenir l'intégrité vitale.
Par conséquent, la période de jeûne est fixée par la quantité de réserves que le corps a à sa disposition. L’inanition commence lorsque les réserves ont été tellement diminuées qu’elles ne sont plus suffisantes pour maintenir l'intégrité fonctionnelle et structurelle.
Des milliers de jeûnes, variant de quelques jours à trois mois, chez des humains des deux sexes, vieux et jeunes, dans toutes les conditions vitales, ont démontré que l'homme pouvait passer de longues périodes sans nourriture sans que cela puisse lui être nuisible et qu’il retirait un grand bénéfice d’un jeûne rationnellement conduit.
L'inanition, c'est mourir; jeûner, c’est vivre.